Article publié dans le journal La Liberté du 18 août 2018
Le Fribourgeois Daniel Jolliet a pris les commandes de la Patrouille des glaciers le 1er juillet dernier
PATRICK BIOLLEY
Ski-alpinisme » C’est un Fribourgeois qui commandera la Patrouille des glaciers ces prochaines années. Daniel Jolliet, colonel EMG de l’armée suisse, a pris ses fonctions le 1er juillet et a, ainsi, déjà commencé à planifier la 22e édition de la célèbre course de ski-alpinisme qui se déroulera en 2020. Il a donné rendez-vous dans sa région, au-dessus de Romont, pour l’interview. «Il y a une belle vue sur la ville où j’ai grandi, avec les Préalpes derrière. S’il fait beau, nous pourrons voir les Dents-du-Midi et le Mont-Blanc», avait-il annoncé lors du premier entretien téléphonique. Si le temps n’était pas assez clair pour se délecter du paysage en profondeur, cela n’a pas empêché Daniel Jolliet de discuter toute la matinée de sa passion de la montagne et des lourdes responsabilités qui incombent au commandant de la Patrouille des glaciers.
Le Glânois de 57 ans est passé presque partout au sein de l’armée suisse. Celui qui avait commencé par faire ses armes à Savatan dans les troupes de montagne a par la suite été maître tactique dans les écoles d’officiers, commandant en second de la police militaire. Il a aussi conduit le service de gestion de l’engagement des carrières, son dernier poste en date. Le voilà donc maintenant à la tête de la course de ski-alpinisme la plus mythique du pays.
Comment devient-on commandant de la Patrouille des glaciers?
Daniel Jolliet: Ce n’est pas un poste mis au concours. C’est un profil qui se dégage et qui est approché. On m’avait déjà demandé de reprendre la Patrouille des glaciers il y a six ans (quand Max Contesse avait été nommé, ndlr), mais ma fonction professionnelle ne me permettait pas de le faire.
Quel est alors votre profil?
En ce qui me concerne, c’est une connaissance approfondie de l’armée tout d’abord. Cela fait 32 ans que je suis officier de carrière et je suis passé par beaucoup de fonctions de commandement. J’ai ensuite une bonne connaissance technique, du fait de mon passé dans les troupes de montagne et au centre de compétences du service alpin de l’armée à Andermatt. Finalement, je suis un passionné de montagne, tout simplement. Je participe à des courses, j’ai fait plusieurs fois la Patrouille des glaciers. Je reste un modeste amateur, mais j’adore ça.
Après 21 éditions, la Patrouille semble immuable. Que pouvez-vous apporter de neuf?
La seule chose immuable est le tracé. Nous partons de Zermatt pour aller à Verbier. Tout le reste est un éternel recommencement. Les troupes d’appui sont différentes et l’armée dans sa globalité évolue. Mais je n’ai pas comme mission d’amener de la nouveauté à la Patrouille des glaciers. J’ai quelques idées, mais il va falloir en étudier la faisabilité.
Quel genre d’idées?
Je vais déjà essayer d’amener plus de flexibilité pour les concurrents. Pour le reste, il faudra attendre avant que je puisse en dire plus (rires).
Vous avez couru sept fois cette Patrouille des glaciers. Arriver à la tête de l’épreuve, est-ce que cela procure une sensation particulière?
J’ai du respect par rapport à la tâche, mais aussi beaucoup de sérénité. Il faudra prendre les problèmes les uns après les autres, c’est une organisation relativement complexe. J’en suis très honoré. C’est un magnifique défi.
Au niveau de la participation, Fribourg est le quatrième canton le plus représenté après le Valais, Berne et Vaud. Etait-ce logique de trouver un Fribourgeois pour conduire cette épreuve?
Cela aurait pu être quelqu’un avec un profil équivalent provenant d’un autre canton que cela n’aurait choqué personne. Mais il faut souligner que le canton de Fribourg compte des pionniers dans ce sport. Nous pouvons aussi parler de l’innovation. Les stations font énormément en ce qui concerne la pratique du ski-alpinisme de nuit. Les parcours de ski de randonnée balisés se développent. Même si l’essence même de ce sport est de le pratiquer hors des domaines de ski.
Comment définiriez-vous votre rapport à la montagne?
C’est un magnifique terrain de jeu dans lequel j’ai la chance de pouvoir évoluer depuis que je suis très jeune. Je viens de cette région (il se tourne pour montrer Romont derrière lui, ndlr). Ce n’est pas directement la montagne, mais nous ne sommes pas loin des Préalpes. Je ne suis pas un alpiniste pur et dur, mais je pense maîtriser le ski et le ski-alpinisme. J’ai une dizaine de sommets de 4000 mètres à mon actif, mais je n’y vais pas tous les week-ends.
Vous êtes membre d’un des seuls clubs uniquement dédiés au ski-alpinisme: Teysalpi.
Je ne sais même pas si en Valais il y a une entité de ce genre (rires). Elle a été fondée en 2010 et je devais être un des premiers membres. Pas au sein du comité, mais dans l’équipe. Teysalpi fait beaucoup en matière de développement de l’esprit du ski-alpinisme, de l’appui à la relève, du respect et de la préservation de la nature dans sa pratique.
Si vous deviez me citer un souvenir de montagne, quel serait-il?
Lorsque j’étais instructeur à Savatan, dans les troupes de montagne, nous avions fait d’immenses exercices. Nous avions organisé une traversée jusqu’à Arolla avec tout le bataillon de l’école de recrues. Nous étions plus ou moins passés par le parcours de la Patrouille des glaciers. Il faut tout de même s’imaginer envoyer 600 personnes là-dedans. Ce sont des exercices compliqués à mettre en place. Les soldats du train venaient nous ravitailler, nous bivouaquions. C’était une sacrée épopée.
Daniel Jolliet: «Le risque zéro n’existe pas»
Parmi les défis auxquels fera face Daniel Jolliet, il y a la météo, qui n’a pas fait de cadeaux aux concurrents ces dernières années. Comme pour tout ce qu’il entreprend, le nouveau commandant de la Patrouille des glaciers reste serein. «La météo est un élément primordial à prendre en compte, mais je n’ai pas peur, assure le Fribourgeois. De toute manière, nous ne pouvons pas déplacer la date de la course. Nous sommes dépendants des stations et le calendrier de la saison de ski-alpinisme est très complexe.»
Plus que l’annulation, inéluctable selon les conditions, c’est en termes de sécurité que Daniel Jolliet réfléchit. «Ce n’est pas la même chose de lancer 1000 personnes dans la montagne que de partir avec une cordée de trois alpinistes chevronnés, continue-t-il. Nous ne pouvons prendre aucun risque en matière de sécurité. Ce ne sont pas que les athlètes qui sont en danger en cas de conditions nivologiques et météorologiques défavorables. L’armée a 400 hommes sur le parcours et il y a aussi le public, je ne peux pas mettre la vie de tout ce monde en danger.»
Ces dernières années, la Patrouille des glaciers n’a eu aucun accident grave à déplorer. Si l’on excepte l’annulation de l’édition 2016, les dernières courses sont régulièrement parties dans des conditions optimales. «Le risque zéro n’existe pas. Notre objectif est néanmoins de tendre le plus possible vers ce zéro, explique Daniel Jolliet. Il y a des accidents à chaque course, c’est normal. Une chute à skis arrive vite, comme un coup de moins bien. Cependant, une édition dans le froid, le vent et le brouillard, c’est une tout autre aventure. Les gens doivent aussi être préparés. Cela est de leur responsabilité. La Patrouille des glaciers est une course populaire, pas un raid aventure. Mais les participants doivent aussi être capables de supporter le stress, l’altitude, le froid, connaître les bases de la sécurité et savoir gérer les impondérables.» PB
Bio express
1961
Daniel Jolliet est né et a grandi dans la région de Romont. Marié, il a trois filles et habite aujourd’hui à Lussy.
1983
Il devient officier.
1986
Il passe officier de carrière.
2002
Daniel Jolliet participe à la première de ses sept Patrouilles des glaciers.
2018
Il prend le commandement de la Patrouille des glaciers.